J’ai longtemps cru que la Costa Brava n’était pas une destination pour moi. Jusqu’au jour où j’y suis finalement allée et que j’ai découvert qu’elle n’était pas celle que je croyais…
Cet article a été rédigé dans le cadre de la campagne #EuroCultureTrip organisée en partenariat avec Costa Brava Pireneu de Girona. Je reste cependant tout à fait libre du contenu de cet article et mon enthousiasme est, comme toujours, sincère.
Longtemps, j’ai classé la Costa Brava parmi ces destinations « pas pour moi ». Je suis sûre que vous en avez aussi, des destinations comme ça. De celles qui font pâle figure par rapport au top de votre wish list et que vous dégagez sans le moindre remord. Après tout, on ne peut pas voyager partout, n’est-ce pas ?
Loin de me faire rêver, le nom de Lloret de Mar, par exemple, m’évoquait les cars Léonard et les plages bondées, les peaux cramées, des gosses bruyants et des jeunes déchirés, en coma sur la plage entre deux virées en boîte de nuit. Pas vraiment ma vision du voyage de rêve.
Certes, au fil des années, et à mesure que je me suis intéressée au voyage, j’ai vu passer des photos et des articles qui montraient un autre visage de la Costa Brava. Mais j’avais la flemme de changer d’avis (non, Karl n’a pas le monopole de la flemme dans notre couple).
Et puis, un beau jour, on m’a proposé de participer à l’EuroCultureTrip, une campagne destinée à promouvoir le patrimoine culturel de trois régions européennes : l’Émilie-Romagne en Italie, Graz en Autriche et… la Costa Brava. C’était l’occasion ou jamais de réviser mon opinion pas très glorieuse de cette région. Et, devinez quoi ? Je m’étais trompée. Et lourdement en plus !
Dans ce premier compte-rendu de l’EuroCultureTrip, je vous propose d’oublier, si vous en avez, tous vos préjugés sur la Costa Brava. Je vous emmène à la découverte d’une région qui n’est pas celle que je croyais.
Lloret, pour les intimes
Premier arrêt sur notre programme, je vous le donne en mille : Lloret de Mar, Lloret pour les intimes. Allais-je, dès mon arrivée, constater de mes yeux la réalité de la scène dantesque décrite ci-dessus ?
Eh bien non, pas un car Léonard à l’horizon à notre arrivée sur place. Il faut dire qu’on nous a emmenés découvrir une petite pépite généralement ignorée des vacanciers : les jardins de Santa Clotilde.
Ces jardins magnifiques, conçus par un certain Nicolau Rubió i Tuduri, ont deux particularités qui m’ont marquées :
- Vous n’y trouverez pas de fleurs. Le jardinier s’est contenté, pour sa palette, des arbres, arbustes et haies mais en jouant sur la symétrie, les différences de hauteur, etc.
- Ils sont situés au sommet d’une falaise avec une vue totalement dingue sur la Méditerranée et de jolies petites plages auxquelles on accède uniquement à pied (ce qui réduit la foule).
C’est dans ce décor de rêve, sous le regard impassible de statues de style antique, que le voyage a commencé. Je n’avais qu’un mot à la bouche : waouw ! Et comme si ce n’était pas suffisant pour me convaincre, on m’a tendu un verre de Frozen Daiquiri fraîchement préparé. Saviez-vous que ce cocktail mythique a été mis au point par un catalan installé à Cuba du nom de Constantino Ribalaigua ?
Après cette introduction sur les chapeaux de roue, notre chauffeur a mis le cap sur le centre de Lloret de Mar. À travers la vitre de la voiture, je voyais défiler les buildings illuminés, des fast food, des bars, des casinos… Mmmm, je préférais largement l’ambiance tranquille des jardins de Santa Clotilde.
Mais le resto où nous nous sommes rendus ce soir-là, j’ai nommé le Studio 66, a vite effacé cette vision peu glamour avec sa déco truffée de références hollywoodiennes et ses tapas level 1000.
Je garde notamment un souvenir mémorable d’un délicieux carpaccio de tomates végé, vraiment bluffant avec son goût fumé contrebalancé par la fraîcheur de la menthe et du basilic frais. Pour la petite histoire, David Gou, le chef du Studio 66 a travaillé dans deux restaurants d’Albert Adria (le chef étoilé d’El Bulli) à Barcelone. Il a retiré de cette expérience un goût certain pour la créativité couplé à une solide technique. Le chef pâtissier n’est pas en reste : ne manquez pas son fabuleux cheese-cake qui est une vraie tuerie. Je vous colle ici une petite carte parce que ce resto n’a pas de site à l’heure où j’écris ces lignes.
De Dalí au strambotisme
Le lendemain, après une nuit dans le magnifique hôtel Santa Marta (5 étoiles, vue sur la mer, jolie plage, tout ça tout ça), nous avons quitté Lloret pour nous rendre dans le petit village de Púbol, à l’intérieur des terres. En chemin, nous nous sommes arrêtés dans deux jolis hameaux typiques de la région : Monells et Madremanya. Le genre d’endroit où le temps semble s’écouler au ralenti, à 1000 lieues de l’agitation des boîtes de nuit que je redoutais temps.
C’est peut-être ce côté paisible et ressourçant qui a séduit Dalí lorsqu’en 1969, il a décidé d’acheter le château de Púbol, alors quasiment en ruines, pour en faire cadeau à sa chère Gala. Un présent pour la dame de son cœur, comme il l’a expliqué dans ses Confessions inconfessables :
« Il me fallait offrir à Gala un écrin plus solennellement digne de notre amour. C’est pourquoi je lui ai fait cadeau d’un manoir bâti sur les vestiges d’un château du XIIème siècle, à La Bisbal, l’ancien Château de Púbol, où elle règne en souveraine absolue, au point que je ne lui rends pas visite sans une invitation écrite de sa main. »
Karl, pour le château, c’est quand tu veux. 😀
Aujourd’hui, le château est ouvert au public et fait partie de ce que l’on appelle le « triangle dalinien » avec le théâtre-musée de Figueres (construit par l’artiste lui-même) et sa maison à Protlligat.
À l’intérieur, on découvre un aménagement à la mesure de l’excentricité de Dalí avec des éléments fous comme ce porte-parapluie en tête de crocodile, la table de salon aux pattes d’autruches dont le plateau de verre donne sur un cheval empaillé situé dans les caves (non, je n’ai pas inventé) ou encore ce trône qu’on découvre dans la pièce d’entrée. Pour une raison qui m’échappe, Gala détestait la vision des radiateurs. Dalí a donc peint un trompe l’œil pour cacher l’un d’eux. Et sur ce trompe l’œil figure un… radiateur. On peut ne pas accrocher à son art mais le gars avait de l’humour, c’est sûr !
Il y a quelque chose d’émouvant à pénétrer dans l’intimité du couple Gala-Dalí. C’est l’occasion d’en apprendre plus sur cette femme fascinante qui a été sa muse et qui était, elle aussi, une artiste de talent comme on l’a découvert après sa mort en retrouvant des poèmes écrits de sa main.
Dans les caves du château, Dalí et Gala avaient prévu de reposer ensemble dans une double tombe. Finalement, seule Gala y est inhumée, Dalí ayant, semble-t-il, changé d’avis (sa tombe est à Figueres dans le musée qu’il a lui-même construit). L’histoire est encore source de débats aujourd’hui car certains ont douté de la sincérité de maire de Figueres qui affirmait avoir recueilli les dernières volontés de l’artiste.
En tout cas, près de 30 ans après la mort de Dalí, la Costa Brava n’a pas fini de nourrir l’imaginaire débordant d’artistes aux univers inclassables. C’est ce que je me suis dit le lendemain en pénétrant dans l’atelier de Quim Hereu. Natif de Gérone, ce peintre est considéré comme le représentant principal d’un nouveau courant baptisé strambotisme (estrambotisme en catalan).
Il travaille actuellement sur la réalisation d’une trilogie de gigantesques tableaux (12 mètres de long sur 6 mètres de haut, apparemment les plus grandes peintures sur toile de lin du monde). Nous avons pu admirer à loisir les deux premiers qui mettent en scène le temps et le pouvoir. Le troisième, dédié à la liberté, est en cours de conception (cela prend plusieurs années tant ils fourmillent de détails comme des petits escargots disséminés un peu partout).
Pour une profane comme moi, la frontière entre strambotisme et surréalisme est bien mince même si, l’artiste insiste, cela n’est pas la même chose car le strambotisme cherche à atteindre l’équilibre parfait entre raison et imagination (c’est du moins ce que j’ai compris). Je vous invite à vous faire votre propre idée si vous passez du côté de Gérone (l’atelier se situe à la forteresse Fortalesa de Sant Julia de Ramis, à une quinzaine de kilomètres de la ville). Franchement, ça vaut le détour !
Retour à la terre
Si ce type d’art vous laisse de marbre, je vous rassure, il y a bien plus à découvrir en Costa Brava que les univers issus de l’imagination débordante d’esprits excentriques.
Pour ceux qui s’intéressent à l’artisanat et à la céramique en particulier, une visite au musée de la terracota de la Bisbal d’Empordà s’impose. Installé dans une ancienne fabrique de revêtements céramiques fondée en 1928, ce musée retrace l’histoire de cette industrie qui a forgé l’identité de la région.
On y découvre toutes les facettes de ce savoir-faire au travers d’objets utilitaires (depuis les tuiles et les carrelages jusqu’aux cruches et aux vases), d’œuvres artistiques, d’outils et de techniques.
Outre sa scénographie hyper moderne, le musée accueille aussi régulièrement des démonstrations de poterie. Il y a un côté à la fois hypnotisant et fascinant à observer la terre prendre doucement forme sous les mains expertes des artisans.
On peut aussi y participer à des workshops : nous avons par exemple testé le raku, une technique japonaise d’émaillage de poteries.
On applique au pinceau des pigments sur un objet comme un bol ou, dans notre cas, un verre. Celui-ci est ensuite passé au four puis déposé dans de la sciure de bois qui s’enflamme au contact de l’objet. La fumée colore en noir les interstices de l’émaillage et les parties laissées vierges. Au final, on se retrouve avec un beau fini coloré et brillant qui n’a pas forcément grand chose à voir avec ce qu’on avait essayé de faire au départ mais qui est tout de même très joli. 😀
Et la terre, dans la région d’Empordà, on ne se contente pas de la façonner. On la cultive aussi ! Le vin de l’Empordà bénéficie d’une appellation d’origine protégée et il existe même une route du vin pour savourer les trésors de cette terre où la vigne était déjà cultivée dans l’antiquité. Le Mas Oller, à Torrent, est l’un des nombreux arrêts de cette route. Depuis 10 ans, ce domaine viticole s’attache comme d’autres à rendre ses lettres de noblesse au vin catalan qui avait disparu au XIXème siècle au profit de la culture de céréales suite à la crise du phylloxera. Outre les visites et dégustations, le Mas Oller organise régulièrement des workshops originaux autour du vin comme des dégustations de vin en musique.
Plages de rêve et cactus
Vous l’aurez compris, dès qu’on s’éloigne du littoral, la Costa Brava a largement de quoi satisfaire les voyageurs avides de culture. Mais il serait dommage tout de même de ne pas aller admirer la beauté légendaire de ses côtes… même si, je ne vous mentirai pas, en saison, il y a du peuple.
Mais, disons-le, si les plages de la Costa Brava attirent les foules, c’est pour une bonne raison : elles sont tout simplement magnifiques. L’eau est d’une clarté incroyable et présente toutes les nuances de turquoise. Des cactus et de plantes grasses poussent sur le bord des falaises. Il faudrait être de mauvaise foi pour le nier.
Si la bronzette n’est pas votre truc, pourquoi ne pas profiter de la beauté du littoral en marchant sur le GR92 ? Ce parcours balisé relie Cadaques à Llafranc en un peu plus de 100 km, soit une bonne semaine de marche, selon votre rythme. Après avoir testé et approuvé ce type de voyage-rando en Bretagne, je serais bien tentée de renouveler l’expérience en Costa Brava. On m’a soufflé qu’il existe même des agences sur place qui se chargent de réserver vos hébergements et de transporter vos sacs d’une étape à l’autre.
En tout cas, si l’expérience vous tente, j’ai un resto fameux à vous recommander juste en bordure du GR : le restaurant-hôtel Casamar, une étoile au Michelin. En matière de vue, on peut difficilement faire mieux et le contenu de l’assiette est à la hauteur de celle-ci (c’est dire !).
Bouffe, politique et Games of Thrones
Bon, récapitulons ! En 2 jours en Costa Brava, j’ai découvert :
- qu’on peut trouver des lieux tranquilles et magnifiques où se balader loin des foules
- qu’il y a un tas de musées intéressants à visiter
- qu’on y mange super bien
- qu’on peut y boire d’excellents vins locaux et avoir une bonne excuse de commander tous les jours du Frozen Daiquiri
- qu’il y a de quoi faire en matière de rando
J’ai aussi découvert la générosité et la chaleur des Catalans. Le soir de ce second jour, notamment, quand une flopée de mamys ont débarqué dans notre gîte pour nous concocter avec amour un repas typique. Au menu, il y avait entre autres du pan con tomate (pain frotté à la tomate), de l’escalivada (lanières d’aubergines et de poivrons cuites au four), de la morue aux amandes et, en dessert, une montagne de brunyols (une sorte de beignet). Ces mamys font partie d’un collectif « La cuina a sils » qui s’attache à préserver et faire vivre les traditions culinaires de la région.
J’aurais pu m’arrêter là. Tout ça, c’était déjà suffisant pour me faire réviser ma piètre opinion de la Costa Brava et me donner envie d’y retourner dès que possible avec Karl. Et puis, il y a eu Gérone (Girona). Le coup de grâce !
Bon, déjà, j’avais complètement oublié que j’avais eu un aperçu de Gérone (déguisée certes) dans ma série préférée de tous les temps, Game of Thrones. Et ça a déjà suffit à me faire perdre toute dignité. 😀 OMG, je suis à Braavos. Et là, à Kings Landing. Mind blown.
Et puis, il y a eu un Food Tour. Si vous suivez ce blog depuis un petit temps, vous savez déjà que j’adore les Food Tours, ces visites guidées avec dégustations de spécialités locales. Celui-ci, proposé par Girona Food Tours, faisait sincèrement partie des meilleurs auxquels j’ai participés, avec un équilibre parfait entre anecdotes et explications sur l’histoire de la ville et dégustations. J’ai découvert que Girona partage avec ma ville natale de Liège (et bien d’autres on est d’accord) cet élan pour les produits issus du circuit-court (ils ont même leur propre « petits producteurs » !). Et même si c’est la patrie du jamón bellota, il y a également une foule de restos végé et végan à Girona.
Girona, c’est aussi la ville de Carlos Puigdemont. C’est donc sans surprise que la ville était envahie de banderoles, affiches et autocollants réclamant la libération des prisonniers catalans.
Si vous regardez la série documentaire « Chef’s Table » sur Netflix, vous avez peut-être vu l’épisode sur Joan Roca, l’un des 3 frères du célèbre restaurant El Celler de Can Roca (si vous ne l’avez pas vu, je vous le conseille, cet épisode est magnifique). Eh bien, il a ouvert une boutique de glace, baptisée Rocambolesc, en plein cœur de Girona ! Et c’est là que s’est terminé notre voyage en Costa Brava, une sorte de brioche remplie de glace en main.
Non, décidément, la Costa Brava n’est pas celle que je croyais. Et si vous partagez mes préjugés, je vous invite chaleureusement à lui laisser une chance et à vous faire votre propre opinion !
En pratique
Outre les cars Léonard, on peut se rendre en Costa Brava en avion (l’aéroport de Barcelone n’est pas loin), en voiture ou en Flixbus.
Côté logement, je n’ai eu à me soucier de rien, puisque j’étais invitée mais voici les endroits que j’ai testés :
- Hôtel Santa Marta, Lloret de Mar. Magnifique hôtel 5 étoiles. Je ne suis pas toujours fan des hôtels mais celui-là vaut la peine, rien que pour le cadre.
- Un vaste gîte à Calella de Palafrugell. L’option gîte peut être intéressante si vous voyagez en groupe ou en famille, vous trouverez pas mal d’options sur le site en lien.
- Hôtel Nord 1901 à Girona. Très chouette hôtel en plein cœur de la ville. Je n’y ai pas passé beaucoup de temps mais il était vraiment top.
Un conseil, évitez la pleine saison si vous le pouvez. À mon avis, au printemps ou en automne, ça doit être tip top.
Alors, ça vous donne envie ?
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