Des nuées d’oiseaux qui traversent le ciel, des phoques qui barbotent dans l’eau, une végétation luxuriante à nos pieds et, au loin, la Manche qui emplit l’air de ses embruns. Bienvenue en Baie de Somme !
Avec ses 70km², cet estuaire situé sur le littoral Picard (en France), offre à quiconque foule ses interminables plages une impression de bout du monde. Du ciel qui se confond avec la mer aux étendues luxuriantes et sablonneuses, les paysages de la Baie de Somme exposent un panel de points de vue que de tous temps, de nombreux artistes peintres (de Degas à Corot, de Jules Verne à Colette) ont immortalisés. Une véritable invitation au voyage dont je me serai délectée de chaque instant !
[Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Somme Tourisme et le guide nature en Baie de Somme : Maxim Marzi. Comme toujours, nous gardons toute liberté éditoriale sur le contenu et notre enthousiasme est sincère]
La Baie de Somme au rythme des marées
Notre périple commence au nord du Crotoy, sur la plage de la Maye, à St Firmin. Il est 11h lorsque nous retrouvons Maxim, notre guide nature, en charge de nous faire découvrir les mille et une facettes de la Baie à travers son regard de passionné.
Le saviez-vous ? En Baie de Somme, le coefficient de marée est le plus élevé des côtes européennes. Leur amplitude peut atteindre jusqu’à 10 mètres lors des équinoxes de printemps et d’automne, et le reflux peut dénuder jusqu’à 12 kilomètres de plage !
À cette heure de la journée, la mer est en train de se retirer. Nous visiterons donc la Baie à marée basse pour augmenter nos chances d’apercevoir, au terme de notre périple, les phoques gris et veaux-marins qui se dorent la pilule sur les bancs de sable de la Manche.
Nous enfournons nos pieds dans nos bottes (même à marée basse, nous sommes amenés à traverser de larges étendues d’eau) tandis que d’autres se mettent pieds nus. Maxim nous équipe en jumelles et longues vues puis nous guide vers la plage. C’est parti pour 3h d’un dépaysement qui s’avérera total !
Une réserve naturelle nationale et un espace préservé
Au loin, de l’autre côté du chenal de la Somme, on aperçoit la pointe du Hourdel (et son phare blanc) ainsi que la pointe du massif de Cayeux-sur-Mer dont le phare rouge, peint de cette couleur après la guerre, rend hommage à la cité anglaise.
Un peu plus loin, le massif dunaire du parc ornithologique du Marquenterre borde l’estuaire. Devant le panneau qui délimite la zone protégée, Maxim nous explique que la Baie de Somme et ses 3 421 hectares de terre sont classés Réserve Naturelle Nationale depuis 1994 :
« Le ramassage des coquillages est donc réglementé et la circulation des véhicules à moteur est interdite, hormis pour les tracteurs des hommes qui vivent encore des ressources de la Baie ».
Un trésor perdu et une porte ouverte sur le monde
Des drakkars vikings aux grands navires de fret hollandais, le chenal de la Somme qui sépare la pointe du Marquenterre à la pointe de Cayeux-sur-Mer (d’où, à marée basse, on aperçoit des envolées d’oiseaux) est une porte ouverte pour les bateaux en partance vers le reste du monde.
Au loin, des brisons (sortes de petites vagues) indiquent l’apparition de bancs de sable (ceux-là même sur lesquels les phoques aiment se prélasser). Ces zones de haut-fond, propices à l’échouement des bateaux, obligent depuis des siècles les navires à zigzaguer afin d’éviter d’aller s’y briser.
« On raconte qu’après l’échouement d’un navire hollandais, l’or des Incas se serait ensablé dans les hauts-fonds de l’estuaire. Les hommes qui vivaient des ressources de la Baie ont donc baptisé ce banc de sable ‘le schat’ qui signifie ‘trésor’ en néerlandais. On peut le dire, nous allons marcher sur un trésor ! ».
Des prairies maritimes de plantes comestibles
Dans les prairies maritimes de la Baie de Somme, on retrouve de nombreuses espèces halophytes (résistantes au sel et à l’immersion dans l’eau) comestibles. C’est que l’estuaire, milieu de transition entre l’eau douce du fleuve et l’eau salée de la mer, offre une faune et une flore d’une richesse incomparable.
La soude maritime (que les pêcheurs à pieds de la Baie appellent des « pompons ») ne pousse que sur les sols salés du littoral et ressemble à une pousse d’épicéa : « Autrefois, la Soude Maritime n’était pas consommée mais brûlée. La cendre ainsi récupérée était alors mélangée à d’autres pigments et servait tant à la création de vitraux que de savons. »
Si vous en avez déjà eu dans votre assiette, sachez que la salicorne, délicieusement salée, pousse également en abondance sur le sol de la Baie : « On a le droit de ramasser 500gr de salicorne par jour, à condition qu’elle ait atteint 10 cm de hauteur », précise Maxim.
Les feuilles de l’obione faux pourpier (ou chips de prés salé) se dégustent en complément dans une salade ou, comme son nom l’indique, sous forme de … chips ! Je cueille une feuille d’Aster Maritime et goûte cet épinard de mer (également baptisée « oreilles de cochon ») dont la saveur salée envahit mon palais.
« Le reste des graminées peuple de grands espaces sur les prés salés qui seront pâturés par les moutons, les canards et les oies », termine notre guide en nous montrant la puccinelle maritime, une herbe verte et jaune, qui s’épanouit aux côtés des autres plantes comestibles sur l’immense manteau vert.
Mais aussi d’espèces invasives…
23 espèces végétales invasives sont recensées en Picardie maritime. En Baie de Somme, c’est la spartine de townsend (une graminée pouvant mesurer jusqu’à 1,30m de haut et dont les longues feuilles se terminant en épis rappellent le blé) qui est en train de coloniser les lieux. Se développant dans la vase salée (inondée à marée haute), elle forme de grands cercles pouvant atteindre jusqu’à 6 mètres de large et fixe le sable de ses profondes racines.
« Il y a 25 ans, il n’y avait pas une seule touffe d’herbe », se remémore Maxim. « Aujourd’hui, la spartine de townsend (impossible à éliminer à moins de l’arracher) est en train de gagner du terrain, ce qui contribue à accélérer l’ensablement de la Baie. »
Un autre monde enfoui dans le sable
Un coup de pelle dans le sable et nous en retirons un morceau de monde enfoui. De microscopiques galeries révèlent la présence du corophium volutator, un arthropode lucifuge de la famille des crustacés, à la base de la nourriture des bécasseaux.
Situé entre 0 à 5 cm de profondeur, « il creuse de petites galeries qui ne sont pas tout à fait droites (ce qui lui a d’ailleurs valu le nom de ‘volutator’) pour se protéger du bec des oiseaux qui veulent le manger ».
D’après Maxim, « il y a autant de corophium dans le sable qu’il y a d’étoiles dans le ciel ». Tout un menu pour les oiseaux qui trouvent dans le sable de la baie des vers, des mollusques et des crabes dont ils sont particulièrement friands.
Un haut lieu ornithologique reconnu à l’international
Reconnue à l’international comme un haut lieu ornithologique, la Baie de Somme, grâce notamment à la nourriture tant diversifiée qu’abondante dont elle dispose, constitue un lieu de migration, de gestation, de villégiature et même d’habitat annuel privilégié pour les oiseaux.
Parmi les nombreuses espèces que l’on peut y observer : le canard siffleur qui broute l’herbe des prés ; le Tadorne de belon et son plumage rouge et noir reconnaissable ; la Spatule blanche (dont le parc du Marquenterre connaît la plus importante colonie d’Europe) qui « en voulant devenir le meilleur pêcheur, s’est fait écraser le bec » ; ou encore l’Aigrette garzette blanche au long cou serpentin (lui permettant de le rentrer dans ses épaules pour prendre plus d’élan avant de fondre sur sa proie) et dont le bec noir long et fin fonctionne comme une véritable dague.
Mais aussi un refuge pour le phoque gris et le phoque veau-marin
2h30 d’une marche tranquille, avec quelques arrêts dont une pause « thé vert à la menthe chaud et spéculoos » (qui fut particulièrement appréciée), et nous atteignons enfin les eaux de la Manche. Notre traversée de la Baie ayant accompagnée la marée, nos pieds s’enfoncent profondément dans le sable mouillé.
À quelques mètres à peine, de petites têtes rondes au museau allongé et aux narines en « V » émergent de temps à autre de l’eau pour venir respirer : les phoques veaux-marins sont de sortie tandis que leurs congénères, les phoques gris, se dorent la pilule sur un banc de sable non loin.
Le saviez-vous ? La Baie de Somme abrite la plus grande colonie de phoques en France. À marée basse, ils s’installent sur les bancs de sable émergés où ils se reposent, mettent bas ou encore allaitent leurs petits.
Nous gardons nos respectueuses distances. En effet, le phoque peut rapidement prendre peur et, dans la précipitation, abandonner son petit qui ne peut survivre à une séparation prématurée. Le spectacle n’en reste pas moins magique, et nous observons longuement leurs allées et venues, avant de faire demi-tour, direction les dunes du Crotoy d’où nous sommes arrivés !
Mon aventure en Baie de Somme vous a donné envie ? Qu’attendez-vous ! L’estuaire n’est qu’à quelques heures de la frontière belge, et elle en vaut vraiment le détour :-).
- Retrouvez Maxim Marzi, notre guide nature certifié Qualinat, pour une traversée de la Baie ou une randonnée nature de 18km, seul ou en famille.
- Découvrez la Baie de Somme en images sur le site de Sophie Bernard Photography.