A Liège, rue des Mineurs, entre la Place du Marché et la rue Hors-Château, les passants semblent irrésistiblement attirés par une petite enseigne, juste à hauteur de l’arrêt de bus. En s’approchant, on entend des « ooooh », des « aaah », des « holala ! ». Un coup d’oeil et vous voilà conquis à votre tour : dans cette minuscule boutique, des montagnes de crêpes, des piles de gaufres de Liège, des madeleines et autres gourmandises et 2 ou 3 personnes qui s’affairent derrière le comptoir à cuire et servir tout ce beau monde. Et pour vous ce sera… ? Une gaufrette, saperlipopette !
En 10 mois à peine, « Une gaufrette saperlipopette » est devenu un véritable phénomène de la Cité Ardente : il faut dire que de vraies gaufres de Liège, fabriquées avec des ingrédients frais et naturels, et cuites du jour, on n’en trouvait plus ! Sauf peut-être chez Mamy, et encore… « On s’est dit qu’on allait remplacer les mamans et les mamies qui n’ont plus le temps », raconte Eric Michaux, le maître des lieux.
Et c’est peut-être ça qui nous a irrésistiblement attirés, comme tant d’autres, dans cette petite boutique avec ses jolis volets blancs et ses paquets ornés de rubans à carreaux. Quand vous entrez, avant même que vous puissiez passer commande, Bénédicte, l’épouse d’Eric, vous offre une chouquette. Toujours. Comme quand vous arrivez chez Mamy. Comme en Iran aussi où Eric Michaux s’est expatrié 3 années pour ouvrir une boulangerie avant de revenir sur Liège pour retrouver Bénédicte et les enfants. La chouquette, c’est devenu la signature du magasin. A tel point que quand on en publie une photo sur Twitter, les gens les reconnaissent !
Recommencer petit
Mais plus qu’un produit, ce qui fait le caractère d’une Gaufrette, Saperlipopette, c’est le couple qui fait tourner la boutique : « Elle et moi, on a des caractères opposés mais on est complémentaire. Elle s’occupe de la vente, j’imagine les recettes. Quand on est tous les deux, la magie opère. Je l’ai compris quand j’étais seul en Iran, il fallait qu’on retravaille ensemble », nous confie Eric. C’est peut-être ça le secret de la magie de saperlipopette !
Une magie qui a déjà opéré il y a quelques années. Car avant Téhéran et avant Gaufrette, le couple était derrière Question de goût. « Nous avions 6 boulangeries, on employait 45 personnes. C’était du 24h/24, 7 jours/7. » Malgré son excellente réputation, l’enseigne a fini par battre de l’aile, forçant Eric et Bénédicte à déposer le bilan.
Après avoir quitté la scène publique pendant 8 ans, l’envie de recommencer quelque chose, mais en tout petit, à deux, a fait son chemin. Un petit rez-de-chaussée commercial déniché sur un coup de chance (ou du destin diraient certains), quelques travaux d’aménagement réalisés par Eric, quelques meubles Ikea, des gaufriers et des machines d’occasions, des rouleaux à pâtisserie achetés à la brocante de St Pholien et « Une gaufrette Saperlipopette » était sur les rails !
« Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que les gens se souviendraient de nous ! », raconte Eric. Les anciens clients de « Question de goût » sont revenus, le bouche-à-oreille a fait le reste : « On a parlé de nous dans les médias néerlandophones et subitement des gens venaient d’Anvers, de Gand ou d’Ostende rien que pour nos gaufres. On voulait faire petit, on s’est dit qu’on allait simplement vendre le stock prévu pour la journée et tant pis s’il n’y avait plus de gaufres pour les derniers arrivés. Mais comment dire non quand des gens se déplacent depuis l’autre bout du pays rien que pour vous ? C’est impossible ! ».
Et c’est ainsi que l’engrenage du succès s’est mis en marche… Et ce n’est pas prêt de s’arrêter : récemment un groupe de Japonais s’est déplacé d’Osaka avec une journaliste spécialisée dans le domaine culinaire et une interprète pour partager l’histoire d’ « Une Gaufrette Saperlipopette » au pays du soleil levant. Vous parlez d’un succès !
Derrière le comptoir
Un soir de mars, nous attendons devant la boutique où nous avons rendez-vous avec Eric pour préparer cet article. A l’intérieur, il y a de la lumière. On imagine que c’est la femme de ménage…
Quand il arrive, Eric nous présente d’emblée ses excuses : il n’a pas dormi depuis 48 heures mais fera de son mieux pour répondre à nos questions. « Venez, vous allez comprendre ! », nous dit-il en ouvrant la porte : « Voici à quoi ressemble la boutique après une journée ». A l’intérieur, une étudiante emballe des commandes pour le lendemain. Sans client, la boutique n’a pas l’air plus grande : l’espace est minuscule… « D’ici quelques heures, la femme de ménage viendra remettre tout en ordre. Elle fermera vers 23h. 2 heures plus tard, je serai de retour pour préparer mes pâtes. Vers 4 heures, je serai rejoint par mon aide, un jeune que je forme au métier. A 4 heures, on commencera à cuire les gaufres et tout mettre en place pour l’ouverture à 7 heures… Ca c’est l’envers du décor, ce que les gens ne soupçonnent pas. »
Waw ! On se sent un peu gênés mais aussi profondément émus qu’Eric ait accepté de nous accorder une petite heure pour nous raconter son histoire autour d’un verre de vin à deux pas de la boutique… « C’est normal ! » nous répète-t-il avec un grand sourire. On ne peut pourtant pas dire qu’ils ont besoin de publicité. Un signe de plus de son incroyable générosité.
La famille Saperlipopette
Pendant une heure, nous évoquons son parcours : Question de goût, l’Iran… mais aussi la galerie de personnages unique qui forme la famille Saperlipopette.
Car le quotidien d’une Gaufrette Saperlipopette, c’est un peu comme un film de Jeunet. Il y a la dame du blog d’« Il fée beau » qui s’habille en fée et vient chercher quelques douceurs avec ses 3 enfants. Il y a Jean-Marie, le SDF, qui vient chaque jour pour une petite crêpe, offerte de bon coeur. Il y a ce policier fan de cuisine, qui pose des questions sur les moules à cannelés. Il y a aussi les 3 enfants de Bénédicte et Eric qui se retrouvent parfois derrière le comptoir. La cadette a 7 ans et, quand elle est là, se charge de la préparation des gaufres aux fruits…
« C’est tout ça qui fait que le projet ne peut être dupliqué », nous explique Eric. « Les gens sont touchés par la boutique, par sa démarche, ils sentent que ça vient du coeur et des tripes. Dans leur sachet, ils emportent plus que des gaufres et des chouquettes, ils emportent un peu de notre bonne humeur et de notre humour ».
Et la suite ?
Forcément, avec un tel succès, l’équipe commence à se sentir à l’étroit dans cette petite boutique de la rue des Mineurs. Mais ils ont trouvé une cuisine à louer, dans un sous-sol de l’autre côté de la rue : « Ce sera un atelier pour préparer les pâtes mais aussi élaborer de nouvelles recettes. Je veux continuer à surprendre les clients avec de nouveaux produits ! ». Parmi les projets, réaliser de la pâte feuilletée à l’ancienne et proposer de vrais bons croissants ou encore donner des cours de cuisine.
Quand je lui fais malicieusement remarquer qu’on est finalement bien loin de l’idée de base d’une toute petite gaufrerie, il sourit : « Nous ne pouvons pas nous en empêcher, nous sommes comme ça ! ». Voilà qui présage encore de longues files de gourmands sur le trottoir de la rue des Mineurs, pour notre plus grand plaisir !
Pour en savoir plus
Découvrez le site web d’Une Gaufrette Saperlipopette ! On est d’autant plus fiers de le partager que c’est nous qui l’avons créé. 🙂