Le Kopi Luwak, vous connaissez ? Ce produit d’exception était connu jusqu’il y a peu pour être le café le plus cher du monde. Sa particularité ? Il est produit à base de cerises de café récupérées dans les excréments d’un petit mammifère indonésien, le luwak ou civette palmiste. Pas trop rebutée par ce procédé hors du commun, j’avais bien l’intention, lors de mon séjour à Bali, d’en déguster une tasse, juste pour l’expérience. Jusqu’à en apprendre plus sur ce fameux café…
Du café du pauvre…
Pour bien comprendre l’origine de mon revirement d’intention, il faut se plonger dans l’histoire de ce café certes un peu bizarre. La « découverte » du Kopi Luwak remonterait au XVIIIème siècle. A l’époque, les colons néerlandais lancent la culture de café en Indonésie, sur les îles de Java et Sumatra. Il est alors formellement interdit aux esclaves travaillant dans les plantations de récolter et de consommer les précieux grains de café.
Un petit mammifère nocturne ressemblant à une sorte de chat n’en a rien à faire des interdits et se régale allègrement de cerises de café la nuit venue. Il laisse derrière lui les traces du crime : des excréments contenant les grains de café débarrassés de la pulpe. Les esclaves récupèrent ces excréments, lavent les grains et les torréfient pour se fabriquer clandestinement du café. Apparemment, la digestion du luwak libère les arômes du café et lui donne un goût unique. Le Kopi Luwak (littéralement café luwak) est né.
…au café le plus cher du monde
Alors évidemment, très vite, le Kopi Luwak si rare et exotique devient populaire auprès des colons. Vu la disponibilité limitée du produit et la difficulté de la « récolte » (il faut les trouver les excréments !), les prix montent en flèche.
Plus récemment, le Kopi Luwak a rencontré un regain de popularité en occident, devenant le café gourmet et de luxe par excellence. En 2003, il apparaît dans le show d’Oprah Winfrey et, en 2007, dans le film « The Bucket List » (en français : « Sans plus attendre ») avec Morgan Freeman et Jack Nicholson. De nouveau, les prix montent en flèche. En 2013, le Time indique dans un article que le coût d’une tasse du précieux breuvage varie de 30 à 100 $ à Londres et à New York. Chez Harrods, des paquets bling bling de Kopi Luwak se vendent à plus de 10 000 $ le kilo.
Quand on connaît son origine, c’est délicieusement ironique. Surtout que les véritables experts du café remettent en questions les qualités gustatives du produit, censé avoir un goût plus « rond » et « moins amer ». Le Kopi Luwak serait-il un gros bullshit ? Si l’histoire s’arrêtait là, ça pourrait être drôle. Malheureusement, ce n’est pas le cas…
Le nouvel esclavage du Kopi Luwak
Si l’esclavage humain n’a plus cours en Indonésie, la production du Kopi Luwak reste malheureusement liée à la surexploitation d’une espèce animale. Il est bien loin le temps où on recueillait les excréments du luwak sauvage avec la ferveur d’un collectionneur de produit rare. Aujourd’hui, de véritables fermes de production intensive de Kopi Luwak ont fait leur apparition. Les civettes y sont enfermées dans des cages et gavées de cerises de café (qui rappelons-le, n’étaient à l’origine qu’un apport à leur régime de base, une friandise même). Dans l’article du Time déjà cité plus haut, on estimait la production annuelle de Kopi Luwak de ces élevages intensifs à 50 tonnes. Autant pour le produit d’exception…
Pouvoir dire « non »
Tout ça, je n’en avais jamais entendu parlé quand je suis arrivée à Bali. C’est donc avec toute la naïveté du monde que j’ai questionné les amis à qui nous rendions visite sur le meilleur endroit où goûter ce célèbre café. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient décidé de ne pas en consommer pour ne pas soutenir la macabre industrie qui s’est mise en place autour de ce produit. En plus, il n’y a aucun moyen de s’assurer que le café servi aux touristes sous l’étiquette « kopi luwak » en est bel et bien. En me renseignant sur le web, j’ai vite décidé de faire une croix sur cet élément de ma bucket-list indonésienne, sauf si nous trouvions un producteur « éthique » et responsable.
Quelques jours plus tard, nous avons fait une pause forcée sur la route du temple de Bedugul pour reposer nos estomacs malmenés par le chemin sinueux, la chaleur ambiante et le style de conduite pas toujours subtil des Indonésiens ;-). Le hasard a voulu que nous nous arrêtions dans une sorte de musée en plein air dédié au Kopi Luwak. Dans un coin, une civette rachitique était enfermée dans une petite cage en plein soleil (je rappelle qu’il s’agit d’un animal nocturne). Sous la cage, un panneau explicatif délavé dont le texte avait été probablement traduit avec Google Translate détaillait le processus de fabrication du café. « Do you want to taste Kopi Luwak? » nous a demandé avec entrain une des Indonésiennes du centre. Un regard échangé avec Karl a suffit. Nous n’avons pas hésité une seconde et répondu fermement : « No, thank you », avant de faire demi-tour pour reprendre la route.
Pour aller plus loin
Pour rester dans la même thématique, il existe en Thaïlande un producteur de café d’éléphant (le Black Ivory) équitable et durable qui est devenu le café le plus cher du monde (1 880 $ du kilos) ! J’étais perplexe la première fois que j’en ai entendu parler mais la démarche est apparemment durable. Les éléphants qui produisent le café (oui, selon la même méthode que la civette) sont des éléphants recueillis par un refuge. Ils ne sont pas gavés et reçoivent les cerises de café en complément de leur régime alimentaire. La quantité de production est strictement limitée (150 kg en 2015à et 8% des bénéfices sont reversés pour la protection des éléphants dans le Triangle d’Or.
Si vous avez le temps, regardez le documentaire de la BBC qui dénonce la cruauté de la production du Kopi Luwak :
Il y a bien d’autres choses à découvrir à Bali
Et c’est tant mieux ! On partage notre expérience dans d’autres articles :
- Découvrez nos premières impressions de Bali au travers d’anecdotes parfois cocasses.
- Si vous cherchez une destination encore épargnée par le tourisme de masse, on vous recommande de faire un crochet par l’île de Nusa Penida (si ça n’a pas changé depuis fin 2015).