Je vous ai longuement vanté les mérites culinaires de l’Émilie-Romagne, cette région du nord de l’Italie, berceau entre autres du parmiggiano reggiano, du vinaigre balsamique et des tortellinis. Pour une fois, je vous invite à lever le nez de votre assiette pour découvrir une autre facette de cette fascinante région d’Italie.
Cet article a été rédigé dans le cadre de la campagne #EuroCultureTrip organisée en partenariat avec Emilia Romagna Turismo. Je reste cependant tout à fait libre du contenu de cet article et mon enthousiasme est, comme toujours, sincère.
Je vous ai déjà beaucoup parlé de l’Émilie-Romagne sur ce blog. Je vous ai répété maintes fois qu’il s’agit pour moi de la destination gourmande par excellence en Italie. Je vous ai parlé de la vinaigrerie Giusti à Modène, de la gelato university de Carpigiani, des saveurs inoubliables de cette région, de l’art de façonner les tortellini et du sel de Cervia…
Et si on levait le nez de nos assiettes ? L’Émilie-Romagne, c’est tellement plus que sa cuisine (même si, on est d’accord, elle est merveilleuse !). C’est aussi une région chargée d’histoire(s) et de culture. Une région hantée par de (gentils) fantômes aussi : des hommes et des femmes qui ont marqué de leur empreinte ce territoire.
Dans cet article, je vous invite à emboîter le pas de ces illustres personnages du passé pour découvrir une nouvelle facette de l’Émilie-Romagne. En avant !
Rimini et Federico Fellini
Plutôt célèbre pour ses plages et sa vie nocturne que sa facette culturelle, Rimini est aussi la ville qui a vu naître une des légendes du 7ème art, Federico Fellini. Et même si le maestro a mis les voiles à 19 ans pour s’établir à Rome, cette station balnéaire mythique n’en garde pas moins la trace de son passage.
C’est d’ailleurs dans un hôtel qui tenait une place particulière dans son coeur, le Grand Hotel de Rimini, que j’ai posé mes valises en septembre dernier. Construit dans les années 1900, cet hôtel de luxe fascinait le jeune Federico Fellini, issu d’une famille modeste.
Une fois cinéaste reconnu, il y a séjourné plusieurs fois. Le Grand Hôtel figure également dans son chef d’œuvre Amarcord.
Partiellement détruit par un incendie dans les années 20 puis bombardé lors de la seconde guerre mondiale, l’hôtel est aujourd’hui un monument national. La chambre où j’ai séjourné était baignée d’une atmosphère délicieusement vintage avec des appliques et chandeliers en verre de murano, des tableaux, une tête de lit matelassée, le plancher à chevrons d’origine…
L’ascenseur d’époque, les escaliers, les tableaux, les vases, le lobby, le jardin… Tout concourt à vous envelopper dans une ambiance d’une autre époque, dans le style Liberty (l’interprétation italienne de l’Art Nouveau). D’après une brochure éditée pour les 110 ans du Grand Hotel, Fellini le décrivait comme « un conte de fées de richesse, de luxe et de splendeur orientale ». Je n’irai peut-être pas jusque-là mais c’est un très bel hôtel, c’est sûr !
Mais le fantôme de Fellini ne fréquente pas uniquement les suites du Grand Hotel de Rimini. Il est également bien présent dans les rues du quartier de San Giuliano. Ce quartier populaire de Rimini, autrefois habité par les pêcheurs, est aujourd’hui décoré de fresques dont plusieurs en hommage à la mémoire du maestro.
On y trouve aussi des charmantes petites osterias, des bars et même des Bed & Breakfast. Je n’ai pas eu l’occasion de les tester cette fois mais si je reviens, c’est sûr, je m’y arrêterai !
Pour la petite histoire, nous avons traversé le quartier à vélo et c’est vraiment un bon moyen d’explorer Rimini. Il y a pas mal de pistes cyclables aménagées et c’est une chouette manière de découvrir cette destination autrement.
Aussi à voir/à faire à Rimini et alentours
- Les vestiges romains : le pont de Tibère qui marque le début de la Via Aemilia, l’arc d’Auguste et les ruines de l’amphithéâtre romain.
- Les petits villages typiques autour de Rimini : Santarcangelo di Romagna et Verucchio sont particulièrement jolis. À Santarcangelo di Romagna, vous pouvez visiter pour quelques euros l’Antica Stamperia Marchi. On y réalise de façon artisanale des impressions sur tissu avec des sortes de tampons encreurs sculptés de motifs traditionnels. En visitant la fabrique, vous pourrez admirer l’ancêtre de la machine à repasser industrielle : une machine née de l’imagination de Leonard de Vinci. À Verucchio, le château qui appartenait jadis aux seigneurs Malatesta offre une vue imprenable sur la région, jusqu’à la Toscane et la République de San Marino.
Où dormir ?
Si c’est dans votre budget, évidemment, je vous recommande le Grand Hotel de Rimini. Si je repasse dans le coin, je pense chercher du côté de San Giuiliano.
Ravenne et Dante Alighieri
J’avais déjà visité Ravenne quelques années avant ce voyage. Mais en voyant la destination sur le programme, j’étais ravie. Les mosaïques de Ravenne, en particulier celles de la basilique San Vitale et du mausolée de Galla Placidia, font sans doute partie des plus belles choses que j’ai pu voir dans ma vie. Oui, rien que ça. Je me souviens de notre regard ébahi lorsque nous avons pour la première fois levé les yeux sur les plafonds ornés de portraits et de scènes bibliques aux couleurs chatoyantes. Je pense qu’aucune photo ne peut transmettre cette émotion.
Mais avant de revoir les mosaïques, d’autres rendez-vous nous attendaient. Et, comme à Rimini, un fantôme a guidé de façon discrète notre exploration. Et quel fantôme ! Le père de la langue italienne en personne, Il sommo poeta, Dante Alighieri. Comment ? Mais l’auteur de la Divine Comédie n’est-il pas plutôt lié à Florence, sa ville natale ? Eh bien, il semble y avoir une compétition de longue date entre Florence et Ravenne à ce sujet : Dante est né et a vécu la majeure partie de sa vie à Florence. Mais en 1301, à l’âge de 36 ans, Dante, opposant à la politique du Pape (je résume), est condamné au bûcher et s’exile. Il finit par s’établir à Ravenne où il mourra de la malaria en 1321. C’est là qu’il a rédigé son oeuvre majeure, la Divine Comédie.
Même si Florence et Ravenne travaillent aujourd’hui main dans la main sur des programmes touristiques destinés à valoriser ce lien avec le poète, on ressent tout de même un petit reste de rivalité entre les deux villes pour la place de ville la plus digne du poète. Ravenne est la ville qui a accueilli Dante, Florence reste celle qui l’a rejeté (elle n’a d’ailleurs levé le bannissement de Dante qu’en 2008…) mais celle à laquelle Dante aspirait de toute son âme à revenir. À de nombreuses reprises, Florence a d’ailleurs cherché à récupérer les ossements du poète, qui se trouvent toujours à Ravenne, enterré sous un tumulus couvert de lierre.
Quel meilleur endroit pour convoquer l’âme du poète qu’une bibliothèque ? La bibliothèque Classense ne fait pas partie des circuits touristiques traditionnels de Ravenne mais elle vaut certainement le coup d’oeil. Logée dans une ancienne abbaye du XVIème siècle, c’est un véritable rêve pour les rats de bibliothèque (au sens figuré, je précise, car le chat de la bibliothèque veille au grain !). Les salles historiques de la bibliothèque Classense sont accessibles gratuitement au public du mardi au samedi, de 10 à 12h. Dans le cloître, vous aurez peut-être la chance d’apercevoir Santino, la tortue de la bibliothèque (il a 80 ans et un caractère peu commode apparemment, gardez vos distances :-D).
Dante a certainement admiré lui aussi les mosaïques de la basilique San Vitale et du mausolée de Galla Placidia puisqu’elles datent respectivement du VIème et de la seconde moitié du Vème siècle après Jésus Christ.
Sur ces deux monuments emblématiques de l’art byzantin planent également les esprits de deux autres fantômes, des femmes cette fois : l’impératrice Théodora, épouse de l’empereur Justinien, et l’impératrice Galla Placidia, épouse de Constance, qui a exercé le pouvoir sur l’Empire romain au nom de son fils Valentinien. On pourrait écrire des romans sur ces deux femmes au caractère bien trempé. En tout cas, leur histoire me fascine.
On peut apercevoir le portrait de Théodora, au côté de Justinien, dans la basilique San Vitale. C’est l’un des seuls portraits d’elle qui restent aujourd’hui car on a littéralement tenté de l’effacer de l’histoire au cours des siècles qui ont suivi sa mort.
Galla Placidia ne repose pas dans le mausolée qui porte aujourd’hui son nom mais elle en a commandé la construction. Il s’agissait à l’origine d’un oratoire dédié à Saint-Laurent. Le père de Galla était Théodose Ier, l’empereur qui a imposé le christianisme à l’Empire romain.
Aussi à voir/à faire à Ravenne
- Ravenna compte 8 bâtiments historiques inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Outre la basilique de San Vitale et le mausolée de Galla Placidia, il y a le baptistère de Néon, la chapelle San’t Andrea (à l’intérieur du musée archiépiscopal), le baptistère des Ariens, la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, le mausolée de Théodoric et la basilique Saint-Apollinaire-in-Classe. Des billets combinés permettent de visiter ces monuments pour un coût réduit.
- La mosaïque n’est pas seulement un art du passé : des artistes contemporains se ré-approprient cette technique. Je vous recommande une petite visite à l’atelier Koko Mosaico où vous aurez peut-être la chance de croiser Luca Barberini, un artiste mosaïste à l’univers décalé. Vous pouvez même y suivre un atelier de mosaïque. Dans un autre style, le MAR (musée d’art de Ravenne) propose notamment une collection d’oeuvres d’art contemporaines en mosaïques. On peut y admirer une tête de licorne ou encore une piadine en mosaïque. 😀
Où dormir à Ravenne ?
Lors de ce voyage, j’ai dormi dans un superbe petit boutique hôtel en plein coeur de Ravenne : Chez Papa. Une partie du groupe était logée dans un autre B&B, tout aussi charmant, qui appartient aux mêmes propriétaires : Casa Masoli.
Ferrare et Giorgio Bassani
À côté d’un Fellini ou d’un Dante, l’ombre de Giorgio Bassani, romancier et poète ferrarien, est sans doute moins imposante. D’ailleurs, il m’a fallu fouiner un peu pour trouver le fantôme idéal pour guider une exploration de la ville de Ferrare. Il y a quelques semaines, je ne connaissais presque rien de Ferrare (si ce n’est ses cappellacci di zucca, sorte de raviolis à la courge) et le nom de Giorgio Bassani m’était totalement inconnu. Mais j’ai eu le même plaisir à apprendre à les découvrir, l’un et l’autre.
Située à 50 km au nord de Bologne, Ferrare ressemble à première vue assez fort à cette dernière : la même prédominance du rouge dans ses bâtiments, la même atmosphère chaleureuse et détendue à l’heure de l’aperitivo, la même ambiance universitaire… Sa particularité, c’est notamment ce château-fort (le château d’Este), qui se dresse au beau milieu du centre-ville, et vers lequel tout semble converger.
C’est aussi la prédominance du vélo comme mode de transport : les deux-roues sont partout et filent dans tous les sens. On se croirait presqu’à Amsterdam !
Ferrare est aussi une ville marquée par la présence d’une importante communauté juive. À quelques pas du château d’Este, on peut d’ailleurs se promener l’ancien ghetto, fondé au XVIIème siècle (il y a d’ailleurs d’excellents restaurants juifs dans ce quartier comme l’Osteria del Ghetto, testée et approuvée !).
Les romans de Giorgio Bassani racontent la vie de cette communauté juive dans les années 30 et 40, à l’époque de Mussolini et de la montée du fascisme. Je vous recommande de lire « Le jardin des Finzi-Contini » (si vous n’aimez pas lire, il y a aussi eu une adaptation cinématographique) en complément de votre visite de la ville.
Aussi à voir/à faire autour de Ferrare
Je n’ai passé que quelques heures à Ferrare et c’est bien trop peu pour pouvoir vous recommander grand chose (je me rattraperai lors d’un prochain voyage !). Néanmoins, si vous passez dans la région dans le courant du mois de septembre, sachez qu’un important festival de montgolfières s’y tient chaque année. On peut non seulement admirer les montgolfières mais aussi profiter de l’occasion pour réserver un vol et admirer Ferrare et sa région vues du ciel ! J’ai eu l’opportunité de vivre mon baptême de l’air en montgolfière à l’occasion de ce festival, une expérience que je ne suis pas prête d’oublier !
Où dormir à Ferrare ?
Lors de ce voyage, j’ai logé à l’hôtel Orologio. Un hôtel très classique et un brin vieillot mais situé juste à côté du château d’Este. On m’a aussi recommandé l’hôtel De Prati.
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