Après la visite des villes de Málaga et Grenade, nos pas (ou plutôt les rails dans ce cas précis) nous ont menés dans la petite ville de Ronda, troisième étape de notre périple en Andalousie et sans doute l’une des plus belles.
Comme beaucoup d’autres voyageurs avant moi, je n’oublierai jamais la sensation de tournis qui m’a prise la première fois que j’ai posé les yeux sur les gorges de Ronda, et le paysage qui s’étalait sans fin tout en bas. Moi qui suis sujette au vertige, j’ai agrippé à deux mains la rambarde du mirador de l’Alameda del Tajo et je me suis penchée avec mille précautions pour évaluer la hauteur du vide béant qui s’ouvrait à mes pieds. On dit souvent d’un paysage magnifique qu’il coupe le souffle. Cette fois, c’était vrai, littéralement.
J’ai découvert en rédigeant cet article une citation de l’écrivain espagnol José María Pemán qui décrit parfaitement cette sensation :
One leans over the edge of it and may find in its depths fear, prophecies, prayers or poems*
« En se penchant sur son rebord, on peut trouver dans ses profondeurs la peur, des prophéties, des prières ou des poèmes » (approximativement)
Ce qui m’a saisie en premier lieu, outre la beauté du paysage, c’est la peur du vide. Pour les prophéties, les prières et les poèmes, j’ai dû attendre encore quelques jours…
Ronda la muse
Mais avant de vous raconter tout cela, je me dois de vous présenter en bonne et due forme Ronda. D’Hemingway à Orson Welles en passant par James Joyce ou John F. Kennedy, cette petite ville d’Andalousie a marqué durablement les esprits d’innombrables voyageurs et inspiré de nombreux poèmes.
Ce qui la rend unique, ce n’est pas un vestige prestigieux du califat d’Al Andalus comme l’Alhambra de Grenade ou l’Alcazar de Seville… mais sa situation. Perchée en haut d’une gorge profonde de 170 mètres, Ronda s’étend des deux côtés de ce gouffre vertigineux. Trois ponts permettent de passer de la vieille ville à la ville « moderne ». Le plus célèbre est le Puente Nuevo ou pont neuf. En réalité, il n’est plus si neuf que cela puisque sa construction s’est achevée en 1791… après un premier essai en 1735 dont l’effondrement a coûté la vie à 50 personnes.
Les murmures d’Al Andalus
Il suffit de traverser le pont neuf pour instantanément comprendre le pouvoir de fascination que Ronda exerce sur les voyageurs depuis le XIXème siècle. A chaque recoin de la vieille ville, les murs chuchotent des histoires…
Ceux de la mine de la Casa del Rey Moro (la maison du roi Maure) sont particulièrement bavards pour ceux qui prennent le temps d’y prêter l’oreille. Imaginez : un escalier de 231 marches qui s’enfonce dans l’obscurité. Après de longues minutes de descente prudente (les marches sont irrégulières et glissantes), après la traversée de salles aux noms aussi mystérieux que la Sala de Secretos (elle tient son nom au fait qu’elle absorbe les sons, si bien qu’on peut murmurer à un bout de la pièce sans être entendu de l’autre), vous débouchez sur la rive de la rivière Guadalvin. L’eau est d’un bleu-vert enchanteur, l’endroit respire le calme (quand il n’y a pas trop de selfie sticks aux alentours). Si vous avez la chance d’y passer quelques instants seuls, vous n’entendrez plus que le chant des oiseaux, l’agitation de Ronda semble bien loin tout là haut.
Cette mine d’eau aurait été construite sous le peigne du roi Abomelic, au XIVème siècle, quand Ronda était encore sous la domination arabe. La légende veut que le roi y ait caché son or mais son utilité première était surtout de garantir l’approvisionnement en eau de la ville en cas de siège. Une chaîne humaine d’esclaves permettait alors de faire remonter l’eau sur toute la hauteur de l’escalier. La mine servait probablement également de passage secret pour quitter la ville.
Moins impressionnants mais tout aussi chargés de souvenirs, les ruines des bains arabes de Ronda servent aujourd’hui à raconter tout l’art de vivre des populations arabes qui ont dominé la région pendant plus de 700 ans. Plus qu’une simple mesure d’hygiène, les bains constituaient un véritable rituel de purification du corps et de l’esprit, un lieu d’échanges sociaux, voire commerciaux, aussi.
Un haut lieu de la corrida
Mais Ronda, c’est aussi un haut lieu de la corrida. Un aspect qui me parle beaucoup, beaucoup moins pour le coup. Je ne listerai pas dans cet article toutes les raisons qui me poussent à rejeter en bloc cette pratique (ne me parlez pas de tradition, d’héritage culturel ou d’expression artistique, je n’ai aucune tolérance pour les activités qui nient la dignité des êtres vivants au profit du spectacle).
Les arènes de Ronda sont pourtant considérées parmi les plus belles au monde. Elles ont été construites en 1785 et sont encore en activité aujourd’hui. Il m’a fallu toute ma conviction pour ne pas céder à la visite de ces arènes et de son musée, pourtant très appréciés des voyageurs si j’en crois les notes sur TripAdvisor. Je ne voulais pas risquer de donner mon argent à quelque chose qui m’horrifie.
C’est malheureusement un aspect de la culture espagnole avec lequel j’ai dû apprendre à vivre durant ce voyage. La corrida est présente partout : sur les cadres qui ornent les murs des bars à tapas, sur des affiches placardées dans les rues, sur des statues… Et tous les jours, nous passions devant ces arènes pour nous rendre dans le petit appart’ que nous avions loué sur Airbnb. Ma prière, qui se transformera peut-être en prophétie, c’est que cet héritage du passé se transforme un jour en simple souvenir.
Tapas revisitées et autres gourmandises
Ce que je retiens de Ronda, c’est aussi de très bons moments de gourmandise ! Curieusement, l’un des meilleurs bars à tapas que nous ayons dénichés se situe juste à côté de la gare des bus, loin du centre touristique. Tape-Art s’auto-définit comme un gastrobar. On y déguste toutes les tapas traditionnelles d’Andalousie (salmorejo, tortilla, albondigas…) mais sous une forme originale et moderne, et accompagnées d’excellents vins ! Nous avons vraiment eu un coup de coeur pour cet endroit et nous y sommes d’ailleurs revenus après notre crochet par les villages blancs (ou bleu dans notre cas) d’Andalousie.
Si vous recherchez des tapas vraiment revisitées, rendez-vous chez TragaTapas*. Ici, gastronomie et tapas se marient pour le plaisir des papilles. Au menu : fajita de cochon au wasabi, mini burger de wagyu et autres bonnes choses. Bon, évidemment, l’addition est sensiblement plus haute qu’ailleurs mais si vous voulez vous faire plaisir, allez-y !
*Edit : depuis peu, on ne trouve plus trace de ce restaurant sur le net. Si quelqu’un peut nous confirmer qu’il est toujours ouvert (ou non)… 😉
Lassé des tapas ? Allez faire un tour du côté du Barrio San Francisco, un petit quartier au sud de Ronda, derrière les murs de la ville, qui a préservé son authenticité. Vous y trouverez le restaurant Almocábar, idéal pour un petit gueuleton entre amoureux. 🙂
Un souvenir tenace
Finalement, Ronda est sans doute l’étape de notre périple andalou qui me laisse le souvenir le plus tenace. Sa situation, son ambiance, sa richesse culturelle… en font un endroit où j’aimerais peut-être à nouveau me perdre un jour et laisser encore mon regard se perdre dans les profondeurs du tajo.
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